Que s'est-il réellement passé à Sarajevo en 1914 ?
Le
28 juin 1914, l'héritier de l'empire austro-hongrois et son épouse sont
assassinés à Sarajevo par un terroriste serbe, Gavrilo Princip (19 ans).
Tout commence à
Belgrade, capitale de la Serbie, où le chef des services de renseignements, le
colonel Dragutin Dimitrievitch (« Apis ») pilote
une organisation secrète terroriste, La Main noire (Crna Ruka), forte de plusieurs milliers de
militants, entraînés à la guérilla et aux attentats. Elle prône
l'extension de la Serbie à l'ensemble des territoires peuplés de Serbes, en Autriche-Hongrie,
en Bulgarie ou dans les résidus européens de l'empire ottoman.
À
l'étranger, elle encourage des mouvements politiques comme Jeune Bosnie, en Bosnie-Herzégovine. Cette
ancienne province ottomane majoritairement serbe, dont Sarajevo est la
capitale, était devenue un protectorat de Vienne avant d'être formellement annexée
par l'Autriche-Hongrie le 5 octobre 1908, au grand
mécontentement de la Serbie et des nationalistes serbes.
Jeune Bosnie milite pour le
rassemblement de tous les Slaves du Sud (Serbes, Croates, Slovènes...) à
l'intérieur d'une Yougoslavie.
Son rêve se réalisera à la fin de la Grande Guerre au prix de plusieurs
millions de morts.
Un voyage officiel ressenti comme une provocation
L'archiduc François-Ferdinand (51 ans) a décidé de visiter la Bosnie-Herzégovine en qualité d'inspecteur général des forces armées. Il participe pendant deux jours à des manœuvres militaires près de la frontière serbe. Puis, le dimanche 28 juin, il est rejoint par sa femme et prévoit d'assister avec elle à une parade à Sarajevo, capitale de la province.
Départ de l'hôtel de ville, cinq minutes avant l'assassinat, scène immortalisée par le photographe de la cour autrichienne Carl Pietzner.
Cette visite officielle, le jour
de la fête nationale serbe, anniversaire de la mythique bataille de Kossovo Polié, est
comprise comme une provocation par les nationalistes de la région et
d'ailleurs. Belgrade ne s'est pas fait faute d'aviser Vienne du risque
d'attentat de la part de la Main noire. Malgré cela, la police
locale assure seule la sécurité de l'héritier du trône impérial !
À 9h35, le couple princier est
accueilli par le général Oskar Potiorek, gouverneur de Bosnie, à la gare de
Sarajevo. Le cortège officiel de six voitures se dirige vers l'hôtel de
ville. Mais dans un café de la ville se retrouvent les six conspirateurs de Jeune
Bosnie, avec pistolets, bombes... et capsules de cyanure pour se
suicider dans le cas où ils seraient capturés. Ils se postent en différents
endroits sur le trajet que doit emprunter le cortège.
François Ferdinand et sa femme (1 h avant l'attentat)
À 10 h 15, le défilé de six voitures dépasse le premier membre du
groupe, Mehmed Mehmedbašić, placé près de la banque austro-hongroise ;
celui-ci n'ose pas tirer car, selon son témoignage, un policier se tenait
derrière lui.
Trente mètres plus loin, sur
le quai Appel, le second n'hésite pas et lance sa bombe. Mais elle rebondit sur
la capote de la voiture de l'archiduc et blesse un officier et un garde de la
voiture qui suit. Le conspirateur Gabrinovitch est arrêté. Il croque sa capsule
de cyanure mais celui-ci étant éventé ne fait pas d'effet. La parade se
poursuit comme si de rien n'était.
À l'hôtel de ville, le maire de
la ville essuie la colère de l'archiduc. Décision est prise enfin d'interrompre
les festivités de bienvenue. L'archiduc et son épouse choisissent de se rendre
à l'hôpital pour visiter les blessés mais les chauffeurs ne sont pas informés
du changement d'itinéraire...
À 11h15, le chauffeur de la voiture de tête,
qui transporte le maire adjoint de la ville, reprend le quai Appel.
Conformément à ses premières instructions, il tourne brutalement à droite
dans la petite rue François-Joseph, près du pont Latin (Latinski Most)
sur la rivière Miljacka. La voiture suivante, qui transporte le couple
princier, le suit. Le général Potiorek apostrophe le chauffeur : .
« Qu’est-ce que tu fais ? Tu te trompes de route, il faut rester sur
le quai pour rejoindre l’hôpital. »
lance-t-il au chauffeur.
La voiture s'arrête
et, comme elle n'a pas de marche arrière, est repoussée sur le quai par les
agents. L'un des comploteurs, Princip, qui se trouve opportunément à proximité,
perdu dans la foule, y voit une ultime occasion d'agir. Son
pistolet Browning à la main, il se dirige vers la voiture de l'archiduc. Un
policier tente de l’intercepter mais trébuche après avoir reçu un coup de pied
dans le genou de la part d’un autre serbe, qui se tenait à proximité. Arrivé à
hauteur de la voiture, Princip tire deux fois : la première balle traverse
le bord de la voiture et atteint la duchesse de Hohenberg à l’abdomen. La seconde balle
atteint l'archiduc dans le cou. Tous
deux sont conduits à la résidence du gouverneur, où ils meurent
de leurs blessures quinze
minutes plus tard.
Princip tente de
se suicider, d'abord en
ingérant le cyanure, puis avec son pistolet. Comme Nedeljko
Čabrinović, il vomit le poison (ce qui fit
penser à la police que le groupe s'était fait vendre un poison beaucoup trop
faible ou ce qu'ils croyaient être du cyanure) ;
le pistolet lui fut arraché des mains par un groupe de badauds avant qu'il ait
eu le temps de s'en servir.
Elle meurt sur le coup tandis que
François-Ferdinand décède au bout de dix minutes. Ses derniers mots sont
pour sa femme : « Sophie, Sophie, ne meurs pas. Reste en vie pour
nos enfants ». C'était leur quatorzième anniversaire de mariage.
La situation dérape
Par
contre, les nationalistes serbes et même certains Hongrois cachent mal leur
jubilation.
Pendant ce
temps, la police fait son travail. L'assassin a été arrêté aussitôt après
l'attentat et a rejoint en prison son ami Gabrinovitch ainsi que plusieurs
suspects.
L'enquête
montre très vite que Princip a fomenté son attentat avec six complices. Ces derniers
seront exécutés mais lui-même, qui n'a pas atteint l'âge de 20 ans requis pour
être exécuté, sera condamné à 20 ans de prison. Il mourra quatre ans plus tard
victime de la tuberculose !
En attendant, dès le
2 juillet 1914, trois membres du groupe assassin ont avoué avoir reçu leurs
armes de Serbie avec la complicité de gardes-frontières.
Des
indices convergents conduisent les enquêteurs à soupçonner des membres de la
police serbe et des services secrets, y compris « Apis »,
d'avoir participé à l'organisation du complot.
Et l'on
est aujourd'hui pratiquement certain que le Premier ministre serbe Nikola Pasic
avait eu vent de la préparation d'un attentat contre l'archiduc.
La mort de François-Ferdinand
de Habsbourg et de son épouse Sophie Chotek, duchesse de
Hohenberg, émeut l'opinion publique occidentale, même si les victimes
n'étaient guère connues et encore moins populaires. Personne ne s'étonne pour
autant de ce nouveau drame dans la « poudrière
des Balkans », où deux
guerres viennent de faire 200 000 victimes.
Personne en Europe
n'imagine que puisse déraper un conflit local entre le prestigieux empire des
Habsbourg et la Serbie archaïque, que l'on qualifierait aujourd'hui, à juste
titre, d'« État-voyou ».
Pour ces
raisons, c'est seulement quatre semaines après l'attentat que Vienne se
décidera à envoyer un ultimatum à Belgrade, quand l'émotion sera retombée et
que les Russes auront pris activement fait et cause pour les Serbes.
Le monde est au bord du précipice.
Voici la cause immédiate d'une guerre qui va embraser le monde du 28 juillet 1914 au 11 novembre 1918, qui va durer 4 ans, 3 mois et 14 jours, faisant environ 10 millions de morts, soit 6000 morts par jour et 08 millions d'invalides.
Philip Snowden dira, «La première victime d'une guerre c'est la vérité», in La Vérité et la Guerre de ED Morel, Londres, juillet 1916.
La suite appartient à l'histoire.
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